Les années noires d'un adolescent pendant l'Occupation
C'est le temps où, dans chaque campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le temps où les parachutes multicolores, chargés d'armes et de cigarettes, tombent du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; le temps des caves et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d'enfant...
La grande lutte des ténèbres a commencé.
André MALRAUX.
Raymond Ruffin: un jeune adolescent sous l'Occupation. De ses souvenirs douloureux il tira la matière de quatre ouvrages:
- Les lucioles de ma nuit;
- Journal d'un J3
- Avoir eu 10 ans en 1939
- La Vie des Français au jour le jour (1939-1945 ).
Pénurie, privations et tickets de rationnement : tandis que les files d'attente s'allongent pour acheter le minimum vital, le marché noir fait florès. Raymond Ruffin tient son journal.
«[...] Chaque jour pour maman, c'est un véritable tour de force que d'assurer nos repas. [...] Levée à cinq heures, elle part une heure après pour les marchés du secteur, allant grossir la queue des ménagères devant des étals encore vides. [...] L'après-midi, il faut recommencer. Queues à la mairie pour retirer les titres, les bons de toutes sortes : chauffage, alimentation, habillement, équipement; queues dans des différents bureaux où sont délivrées les autorisations diverses : priorité, laissez-passer... Attestation de non-appartenance à la race juive; demande d'allocation supplémentaire de charbon sur présentation d'un certificat médical si l'un des membres de la famille est alité; sollicitation au Secours national pour l'attribution de bons de vêtements en faveur des bébés, inscriptions sur les listes pour l'octroi de pneus de bicyclettes, de pétrole, de savon, de chaussures; justificatifs à fournir pour l'obtention de la carte TF (travailleur de force); démarches incessantes à l'état civil pour se munir d'un extrait quelconque réclamé par le bureau, l'atelier, l'usine, l'école, le lycée. Il faut à tout moment être en mesure de tout prouver : sa nationalité, son domicile, son travail, ses charges de famille, son lieu d'inscription sur les registres des titres d'alimentation, sa qualité de «non-juif», la virginité de son casier judiciaire... Ce n'est pas l'Etat français, c'est l'Etat inquisition.
Raymond.
Témoignage in "Paroles de l'ombre". Ed. Les Arènes. 2009
- Journal d'un J3. 1976 Presses de la Cité.
Avoir eu dix ans en 1939 - Témoignages et souvenirs
Paru le : 01/04/2005

Mais au-delà des faits guerriers eux-mêmes, des épopées militaires, des actions patriotiques de la Résistance, et des déchirements familiaux dus aux misères des prisonniers et aux horreurs des exactions, peu de gens connaissent ce que furent les souffrances et la détresse des enfants. L'auteur avait dix ans lorsque la guerre s'étendit à la France. Plongé brutalement dans cet univers éprouvant, il nota - suivant les conseils de son enseignante - tous les événements dont il fut le témoin, et parfois l'acteur, quelquefois le participant.
Ce sont tous ces épisodes, des plus futiles aux plus dramatiques, qu'il sort de ses cahiers d'écolier, et qu'il soumet - soixante ans après - au regard des lecteurs, en y joignant parfois des réflexions qu'il se fait aujourd'hui sur ces années tragiques. Ce document, illustré par de nombreuses photos d'époque, s'affirme comme un témoignage poignant, et doit être versé dans la mémoire de notre histoire.

Désormais, on n'est plus bourgeois ou prolétaire, mais A ou T.
L'adolescence, cet anonymat aux frontières troubles, se voit arbitrairement découpé et le législateur, aidé par la longueur des restrictions, fera passer le mot J 3 du langage administratif à celui du théâtre et du cinéma.
Voici quelles sont les catégories de rationnaires :
E : Enfants âgés de moins de 3 ans.
J 1: Enfants âgés de 3 à 6 ans.
J 2 : Enfants âgés de 6 à 13 ans.
J 3 : Adolescents de 13 à 21 ans.
A : Consommateurs de 21 à 70 ans, ne se livrant pas à des travaux donnant droit aux catégories T ou C.
T : Travailleurs de force (de 21 à 70 ans). La carte T donne droit à des suppléments de pain, de viande, de vin, etc. Objet, à ce titre, de bien des convoitises, elle est attribuée suivant des règles parfois incompréhensibles. Y ont droit ceux qui fabriquent des billards ou des armures de théâtre, mais non les fabricants de parapluies : ceux qui travaillent dans une usine de conserves de poisson, mais non ceux qui sont employés par une usine de conserves de légumes ; ceux qui confectionnent des yeux de poupées, mais non les horlogers
C : Consommateurs de plus de 21 ans se livrant à des travaux agricoles.
V : Consommateurs de plus de 70 ans
Le rationnement de l’alimentation, la disparition régulière des étalages de certains produits, comme le lait, causeront des carences alimentaires et le rachitisme chez de très nombreux enfants qui seront plus sensibles aux maladies comme la polio et la tuberculose. La fragilité des enfants est aussi due au manque de combustible de chauffage pendant l’hiver.

En 1943, les enfants français sont mobilisés dans la lutte contre les doryphores à raison de deux après-midi par semaine. Ces insectes parasites détruisent une grande partie des récoltes de pomme de terre depuis deux ans déjà, ce qui est catastrophique pour cet aliment de première importance. Par dérision, les Allemands, qui sont de grands amateurs de la pomme de terre, sont surnommés les « Doryphores ».

Entre l'été 1944,porteur de tous les espoirs de la Libération et l'été 1945 qui crut voir un monde de paix, les Français ont vécu une année étrange et décisive.
Tout était à craindre : guerre civile, révolution, coup de force politique et militaire, mainmise étrangère. Tout s'acharnait sur un pays ruiné : inondations, tempêtes, hiver long et rigoureux, restrictions pires qu'aux temps de l'Occupation, pas de transports, pas de ravitaillement, pas de combustibles. Des régions de France complètement isolées, des terres à l'abandon, des milliers d'hectares minés, des ports aux mains de l'ennemi, des villes détruites, des milliers de sans-abri, des millions d'hommes et de femmes prisonniers, déportés, requis maintenus en exil...

Une réalité foisonnante racontée au jour le jour qui sera découverte pour beaucoup de Français.
- Sommaire:
- La kermesse de la Libération, l'euphorie
- Retour aux réalités
- L'autorité gouvernementale reconnue
- Le réveil politique et social
- On chante dans mon quartier
- Marché noir, magouilles et gabegies
- Premières épreuves hivernales, justice et injustices
- Janvier, février, les mois terribles
- Les Français oubliés : ceux des " poches " et du front
- Prisonniers et déportés : le difficile retour
- Des revenants mal vus : les requis et les " malgré-nous "
- Politique intérieure : Mendès s'en va, le Reich agonise, l'empire colonial craque
- De la liesse de l'armistice aux réalités économiques et politiques
- En voilà du beau monde qui nous revient ! Et Pleven s'attaque, un peu tard, aux " lessiveuses " !
- La Haute Cour au travail : Pétain, Laval et les autres ; Le Japon capitule
Paru le : 01/03/2004
Les Lempérière habitent Denneville sur la côte Ouest du Cotentin, tout près de Portbail. La grande maison qu'ils occupent est réquisitionnée par l'armée allemande. Témoignage sur la cohabitation entre six occupants en moyenne et autant de personnes dans la famille.
![]() | Témoignage Henri Lempérière : vie quotidienne Les Lempérière habitent Denneville sur la côte Ouest du Cotentin, tout près de Portbail. La grande maison qu'ils occupent est réquisitionnée par l'armée allemande. Témoignage sur la cohabitation entre six occupants en moyenne et autant de personnes dans la famille. |
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